Vous êtes ici > Textes et Note d'intention

Textes/Encastrable

pour plan9

 


Avec leur projet Encastrable, les Strasbourgeois Antoine Lejolivet et Paul Souviron s’installent dans des magasins de bricolage et inventent de nouveaux lieux et de nouvelles manières de faire et de regarder l’art contemporain.

Encastrable, ce furent tout d’abord des "sessions" puis, comme une évidence, les deux plasticiens ont rebaptisé leur projet "résidences". Où s’installent-ils ? Dans les temples du bricolage que sont les enseignes Leroy Merlin, Castorama, Monsieur Bricolage… De ces cornes d’abondances, cavernes d’Ali Baba où de nombreux artistes viennent se fournir, les deux sculpteurs retirent un répertoire de formes inépuisable, une mine d’inspiration, une réinvention constante du ready-made, cet acte artistique par lequel l’artiste désigne un objet manufacturé comme œuvre d’art.

Le processus de création semble simple : le duo se fixe rendez-vous, cible un magasin et durant une après-midi entière, Antoine Lejolivet et Paul Souviron s’y installent en résidence. Ils s’en vont à la rencontre de leur nouvel environnement de création : taille de "l’atelier", voisinage et emplacement de la machine à café pour faire une pause… puis, c’est parti pour un tour complet des formes, matériaux, textures disponibles qui vont servir à créer une pièce à l’intérieur du magasin. Entre deux rayons, les artistes s’affairent avec le plus grand sérieux mais aussi avec malice quand ils sont interpellés par un bricoleur qui leur lance " si vous assemblez cela comme ça, ça ne fonctionnera jamais ! ".

Que répondre ? Le duo joue avec l’ironie de la situation comme il s’amuse de l’interstice dans lequel le projet Encastrable évolue : les deux sculpteurs ne devraient pas être là mais ils en ont le droit puisqu’ils ne détériorent rien, d’où l’obligation de créer des pièces "ni clou, ni vis", nom emprunté à la fameuse pâte qui sert à tout coller sans l’aide de clous ni de vis, et ne volent rien si ce n’est la photographie de leurs œuvres. S’il est interdit de photographier dans une grande enseigne, il n’est pas interdit de tester le matériel ! C’est ici que le projet des deux compères se complexifie : Encastrable n’est pas un projet juste pour faire sourire les vendeurs de grands magasins. Il ne s’agit pas non plus d’une action pour dénoncer le diktat de la société de consommation, il s’agit de tester les limites de l’environnement qui sert à la création et de venir à la rencontre d’un nouveau public, néophyte mais toujours bienveillant, comme le confirment avec le sourire Antoine Lejolivet et Paul Souviron. Il s’agit surtout de démontrer que l’art contemporain et partout chez lui ! Vous ne passerez plus devant chez Obi sans y penser…

Nadège Moreau